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Folly and Politics
For this first of a three-part series of Round Tables on Tudor Theatre focused on the staging and function of folly in the medieval and early modern English theatre, participants studied the relations between folly, or madness, in different forms, and politics, also variously understood. Contributions to the volume range from an analysis of Erasmus’s influence on the Reformation to studies of private relations with public implications in several Jacobean dramas. Foolish characters and outright fools in Shakespearean plays in all genres also receive attention from this relatively unusual point of view. The majority of contributors, however, gravitate towards the subtle functions that folly commonly performs in Tudor interludes dealing with statecraft.
Bob Godfrey
Performing Reform: Erasmus’s Moriae Encomium and the Politics of Religion in Sixteenth-Century England and Europe
Le monologue (sous la forme, par exemple, du sermon), le dialogue, le débat et la pièce de théâtre étaient tous considérés comme des moyens de persuasion dans l’Europe du XVIe siècle. Érasme ne pratiquait pas le théâtre. Néanmoins, cet article maintient que son Éloge de la Folie (Moriae Encomium) est essentiellement un texte à la fois de performance et performatif. Érasme lui-même le considéra comme une déclamation, et les premières paroles (« Folie speaketh ») s’adressent directement au public. Mais l’efficacité performative du texte peut aussi être mesurée autrement, notamment par son fonctionnement satirique et provocateur, qui a attiré de vives critiques de la part des autorités catholiques, tout en confortant les opinions des réformateurs anglais. Il ne fait aucun doute que l’Éloge de la Folie ait été l’un des livres le plus souvent réédité de son époque et donc, en raison de son sujet, l’un des plus influents sur le processus de la Réforme.
Olena Lilova
Tudor Domestic Theatre: In Search of Political Consent through Folly
Cet article se penche sur la fonction conciliatrice des « Interludes », représentations qui tinrent une place importante durant les festivités qui se déroulaient dans les salles de banquet (« halls ») de l’aristocratie Tudor. L’organisation spatiale particulière de ces salles imposa des conditions théâtrales, notamment l’intimité et la spontanéité, qui se prêtèrent au dialogue entre la communauté et son élite. La mise en scène de la folie et la proposition de solutions aux situations conflictuelles dans les « Interludes » facilitèrent l’évacuation des pulsions transgressives dans la société Tudor.
Sarah Carpenter
The Politics of Unreason: Ane Satyre of the Thrie Estaitis and the Practices of Folly
Ane Satyre of the Thrie Estaitis, par David Lyndsay, s’achève sur un sermon « classique » de « Folly » ayant pour thème « Stultorum numerus infinitus », sermon qui touche également à la situation politique européenne. Cet article explore les résonances de ce discours en traçant la mise en scène de la folie tout au long de la pièce et en plaçant cette pratique dramatique dans le contexte des coutumes et des situations spécifiquement écossaises. L’entretien de bouffons à la cour royale et chez les nobles, les pratiques festives populaires et les images de la folie dans d’autres écrits contemporains contribuaient à un climat dans lequel la Folie pouvait porter un poids politique considérable dans l’Écosse du milieu du XVIe siècle.
Elisabeth Dutton
“Whan Foly cometh, all is past”: Revisiting the Drama of Fools in Magnyfycence
La pièce Magnyfycence, de John Skelton, présente quelques exemples précoces du bouffon dans le théâtre anglais. Ces personnages semblent avoir été façonnés par deux traditions dramatiques associées. D’une part, il a été avancé que Skelton avait puisé dans la « sottie » française, empreinte d’humour politique et satirique. D’autre part, l’on a mis en valeur l’influence de la moralité anglaise, avec son schéma de la vertu et du vice, bien que cette perspective révèle tout de suite que certains personnages résistent à un classement aussi simple. Deux d’entre eux, Fansy et Foly, ont attiré particulièrement l’attention des spécialistes : il a été suggéré qu’ils peuvent être différenciés comme étant, respectivement, un fou « naturel » et un fou « autorisé ». L’article réexamine ces questions à la lumière des expériences de mise en scène, en s’interrogeant sur le vécu de comédiens modernes qui ont joué les rôles, et surtout sur les relations avec le public dont Skelton dote ses personnages. Quelle différence peut-on constater, au niveau du jeu, entre les deux types de fous ? Quel est le rapport entre le bouffon et le vice sur scène ? Quelle est la fonction du costume et du déguisement, éléments très distincts dans la « sottie », dans l’action et dans le message moral de Magnyfycence ?
Greg Walker
“To speak before the king, it is no child’s play”: Godly Queen Hester in 1529
Cet article explore l’interlude anonyme de Godly Queen Hester dans le contexte des événements mouvementés de 1529, à savoir la chute du ministre principal du roi, Thomas Wolsey, et la convocation du parlement, dit celui de la Réforme. Il met en valeur les parallèles étroits entre le programme politique de la pièce et les attaques contre Wolsey menées par des radicaux religieux, ainsi que par des conservateurs, dans la seconde moitié de cette année. Il est proposé que cet interlude, tout comme les « Articles » rédigés au même moment par un groupe d’éminents politiciens, avait pour but d’influencer l’opinion en faveur du rétablissement du statut ecclésiastique antérieur.
Andrew Hiscock
Johan Johan (1533): The Politics of Marriage and Folly in Henrician England
Cet article prend comme sujet la farce Johan Johan, par John Heywood (publiée en 1533), et établit des liens entre son intrigue et le déroulement des débats sociaux sous le règne d’Henri VIII en Angleterre. Tout d’abord, il résume l’histoire critique de la pièce au cours du vingtième siècle. Ensuite, prenant en compte les publications humanistes produites par des personnages érudits tels qu’Érasme, Vives et More au début du xvie siècle, il considère la façon dont la farce traite la représentation des sexes, la discipline cléricale et les perceptions sociales du mariage. Dans la deuxième partie de la discussion, l’auteur démontre que ces thèmes importants dans la pièce font écho à de fortes inquiétudes présentes au sein de la société britannique lors de la Réforme.
Marie-Hélène Besnault
The Political Folly of Malcontents in Early Jacobean Drama
La folie politique des gouvernants qui a conduit au Massacre de la Saint Barthélémy en France en 1572, ainsi que l’humiliation d’une partie de la noblesse française au profit des Ligueurs, ont dressé contre elles, en 1574, un mouvement rebelle sous le nom de « Malcontents ». Voyant un parallèle entre ce mouvement et celui des « Indignés » dans nombre de pays aujourd'hui, cet article interroge les représentations de la sagacité ou folie politique des premiers « Malcontents » sur la scène jacobéenne, à un moment où les faiblesses, corruptions et vices de la Cour anglaise sont l’objet de satires de plus en plus virulentes. Les changements d’inflexion entre le Malcontent de Marston (1604) et celui de la Tragédie du Vengeur (1607) soulignent le passage de l’espoir au désespoir, de la vertu qui feint le vice à sa contamination par le vice. Les Indignés d’aujourd'hui connaîtront-ils sur scène ou dans l'arène politique un meilleur avenir?
Pascale Drouet
Madness and Mismanagement in Middleton and Rowley’s The Changeling
Dans The Changeling, Middleton et Rowley portent, sans complaisance, l’asile à la scène. On se propose, dans le présent article, de réinscrire cette tragicomédie dans son contexte jacobéen, en commençant par une synthèse diachronique de l’évolution de l’hôpital de « Bethlehem » (depuis sa création en 1247 jusqu'à la mise en scène de Middleton et Rowley en 1622). Il s’agit, ainsi, de mettre en perspective l’état pitoyable dans lequel se trouvait l’asile à l’époque jacobéenne et de comprendre quel pouvait être, alors, l’état d'esprit des spectateurs se rendant au théâtre pour y voir le célèbre asile représenté. On analysera, ensuite, les allusions aux dysfonctionnements réels de l’institution, afin de montrer la primauté des motivations financières sur l’intérêt médical et les compétences requises, avec tout ce qui relève du détournement de fonds, de l’abus de pouvoir, de la négligence et de la défaillance, de l’exploitation de la faiblesse humaine. On montrera, pour finir, que la cible satirique de Middleton et Rowley gagne en envergure, que leur critique n’est pas seulement politique mais aussi religieuse, que la folie passée au scalpel est tout autant clinique qu’ontologique.
Claire Bardelmann
Valerius’ Musical Folly and the Untuning of Politics in Thomas Heywood’s Tragedy The Rape of Lucrece
The Rape of Lucrece de Thomas Heywood est une tragédie politique dont la trame est mise en abyme par la musique de Valerius, dont la folie musicale épouse les contours du dérèglement politique. La symbolique musicale de la tragédie est sous-tendue par la décorrélation des chansons de Valerius et de la vertu politique associée à la musica speculativa. L’ordre musical subalterne de la musica practica, qu’illustrent ces chansons, fait partie des conventions de la folie dans la Renaissance anglaise, de même que la fonction satirique et l’ambivalence de la musique de Valerius, laquelle dénonce les dysfonctionnements de l’ordre dans la tragédie à la fois dans la sphère politique et dans celle de la tragédie privée, en se faisant l’écho du viol de Lucrèce.
Michael Hattaway
Falstaff the Woodman
Dans The Merry Wives of Windsor (Les joyeuses commères de Windsor), les actions successives par lesquelles le chevalier Falstaff se trouve bafoué (sa mise en panier de linge sale, son déguisement en vieille femme, sa transformation en la figure ambivalente de « Herne le chasseur », tourmenté par des « fées ») sont fondées sur l’image du monde renversé. Cet article explore ces phénomènes selon trois axes, celui du folklore, celui de la pratique sociale et celui de l’histoire de la représentation. L’argument est fait en faveur de la présence de mythes résiduels, encore que la chasse aux analogues ou aux sources s’avère d’une utilité limitée.
Pauline Ruberry-Blanc
Savage Madness Meets with Comic Folly: The Cases of Orlando and Philaster
Selon les moralistes de l’époque pré-moderne, l’humour n’a pas vraiment sa place dans la société « civilisée ». En effet, dans le théâtre anglais, même si les bouffons ont le droit de partager la scène quelque temps avec les rois, ils se trouvent en fin de compte écartés, comme c’est le cas de Falstaff rejeté par le prince Hal (Henri IV, deuxième partie). Cet article illustre le principe contraire, à savoir que des impulsions incultes ou sauvages pourraient être détournées et canalisées par un contact avec le comique. Une illustration en est fournie dans As You Like It (Comme il vous plaira) par Orlando, qui interrompt violemment le banquet forestier en exigeant qu’on lui donne à manger. Jaques le remet à sa place avec une réplique drôle mais fortement méprisante. Dans Philaster, la tragicomédie de Beaumont et Fletcher, le rustique qui incarne la figure traditionnelle du Clown prend le dessus sur le bon prince, pris par un accès de folie violent. Ainsi le ridicule qu’attire habituellement le roturier est redirigé vers son supérieur. Il en résulte, dans les deux cas cités, que le stéréotype négatif de l’incivilité est transformé paradoxalement en force civilisatrice.
Richard Hillman
(Im)politic Jesting: Lear’s Fool — and Henri III’s
Cet article se penche sur le personnage du fou le plus connu chez Shakespeare, celui de King Lear (Le roi Lear), en proposant que la relation entre le monarque et son bouffon s’éclaire à la comparaison avec celle qui existait réellement entre le roi français Henri III et son bouffon, dit Chicot. Quelques documents contemporains sont examinés, qui ont pour effet de remettre le rôle « professionnel » de Chicot dans le contexte des enjeux sérieux de pouvoir, de politique et de religion dans la France déchirée des années 1580. Ce modèle français (il ne s’agit toutefois pas d’une source) fournit donc des preuves que le développement par Shakespeare du personnage du sage-bouffon, notamment dans cette pièce tournant autour de la question de l’autorité royale, est non seulement fondé sur des pratiques de bouffonnerie connues à l’époque mais aussi disponible déjà dans le répertoire discursif, du moins de l’autre côte de la Manche.
Peter Happé
“All mine own folly”: The Function of Folly in The Winter’s Tale
Tandis que Shakespeare affirme parfois l’omniprésence de la folie dans des comédies, tout comme dans des tragédies, son développement du concept dans The Winter’s Tale (Le conte d’hiver) est plus restreint. La folie y est associée principalement à Leontes, qui dans la première partie de la pièce est révélé comme étant un fou tragique, et dans la deuxième partie à Autolycus, qui exploite la folie d’autrui. Une comparaison avec Pandosto, par Thomas Greene, montre que Shakespeare y trouva de la folie abondamment illustrée mais dans un mode tragique tournant autour de la jalousie. La structure de la pièce, avec sa transition de la tragédie à la comédie, nous montre que Shakespeare a opéré une modification fondamentale dans sa source, en y ajoutant beaucoup sur la folie issue de sa propre invention. Cet article se penche sur les changements qu’a opérés Shakespeare en adaptant le récit à la scène et insiste sur le lien entre sa théâtralisation de la folie et sa décision remarquable concernant la structure de la pièce.