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The terms defining the thematic framework of this volume direct attention to the essential experience of theatrical illusion-making, as well as to the question of religious belief, which was central to the theatre of the Middle Ages and continued to figure well into the Renaissance in varying forms. Contributors focus on the problematics of illusion and belief in works that range widely in chronology and dramaturgy, recovering historical specificities that decisively confirm the inadequacy of the post-romantic assumption of an audience’s “willing suspension of disbelief”. The arguments testify rather to a plurality of practices, conventions and codes governing ways of seeing, as well as what is presented to be seen. The theatrical experience throughout the period is thereby confirmed as being fundamentally interactive.
Donald Beecher
Suspense is Believing: The Reality of Ben Jonson’s The Alchemist
Le suspens critique est le fait de « croire » dans la réalité d’une pièce de théâtre, parce que le spectateur s’implique émotionnellement dans l’action. Normalement, cet intérêt se manifeste envers les personnages pour lesquels on éprouve de la sympathie. Mais dans une pièce telle que l’Alchemist de Jonson, où les personnages n’inspirent aucune empathie, le suspens doit se construire sur des questions de forme et de récits inachevés, et relève donc d’une curiosité épistémique. Cette question oriente l’étude de l’œuvre.
Marie-Hélène Besnault
Belief and Spectacle at Early Performances of Doctor Faustus
Dans quelle mesure peut-on dire « voir, c'est croire » à propos du Docteur Faust deMarlowe à l'époque de sa création ? Cet essai interroge la relation du voir et du croire à quatre niveaux de la pièce. Elle va du plus conventionnel– les scènes comiques–au plus complexe : le spectacle de la damnation de Faustus. Elle inclut aussi les spectacles qu'offre ou inflige le magicien à divers destinataires ainsi que ceux, présentés par les puissances surnaturelles, dont il est lui-même le destinataire. L'adhésion du spectateur à la réalité qu’il perçoit de la fiction est forcément influencée d’une part par le texte et les croyances qui prévalent à l'époque, mais aussi par sa culture théâtrale et les réactions des divers spectateurs sur scène et autour de lui, ainsi que par la réalité physique des acteurs et la complexité innovatrice d'un grand spectacle, véritable école du spectateur.
Pauline Blanc
Seeing-is-believing Vision and the Power of Verbal Framing in the Tudor Theatre
Les images que capte l’œil sont généralement disposées et redistribuées par le regard intérieur ; la perception est donc loin d’être un phénomène simple. L’article montre que l’univers de la fiction scénique tend à être reçu dans des conditions que l’on peut appeler un « donné- à- voir » lui-même en partie déterminé par l’environnement verbal de la pièce. Dans le théâtre Tudor, cet environnement s’enracine dans des références culturelles, circonstancielles et populaires, ainsi que dans d’autres œuvres et représentations dramatiques. Tout ceci constituait l’expérience qu’un spectateur apportait avec lui au théâtre, déterminant à son tour sa participation imaginative aux univers de la fiction théâtrale. Ceux-ci sont également influencés par l’environnement verbal qui lui-même transcrit divers sous-textes et hypotextes et, plus généralement encore, toute une expérience. L’article ne discute pas seulement les éléments de l’environnement verbal que sont les prologues et vocatifs directs présents dans les pièces du canon Tudor. Il prend aussi en compte les proverbes (dans Misogonus), la loi issue de l’autorité patriarcale (dans Le songe d’une nuit d’été), ainsi que les univers fictifs précédemment issus de la littérature de voyage, des œuvres romanesques et du Nouveau Testament (dans Mucedorus, La tempête, La comédie des erreurs). Tous ces éléments ont pu contribuer à former un « donné-à-voir » qui détermine ce qui est finalement accepté ou refusé comme crédible.
Jean-Paul Débax
Four Poets as Presenters and Interpreters in Late Tudor Drama
Tout en refusant la notion « naturaliste » selon laquelle la scène représente la réalité du monde, le théâtre Tudor éprouve le besoin d’attester la véracité des situations fondant le message éminemment sérieux que transmet la pièce en question. Grâce à la convention de l’impromptu, il introduit pour ce faire divers para-textes, qu’il attribue à des personnages légendaires, allégoriques ou mythologiques. L’article considère quatre pièces qui, entre 1588 et 1613, sont chacune présentée par un poète. On voit comment la caution de l’un des quatre représentants de ce que l’époque Tudor tient pour la « flowre and tresure of poise » garantit chaque fois l’authenticité de ces pièces. Dans Pericles, John Gower, qui introduit la pièce et intervient régulièrement pour la commenter, la déclare inspirée de sa propre Confessio Amantis. Dans Les deux nobles cousins, pièce reprenant l’histoire déjà traitée par Chaucer (Le Conte du Chevalier), c’est ce dernier qui va attester, au nom de sa propre création, l’authenticité de l’histoire. Les deux pièces de Antony Munday, La Ruine de Robert, Comte de Huntingdon et La Mort de Robert…, font, elles, intervenir John Skelton, qu’on voit préparer pour la cour de Henry VIII un interlude qui, insensiblement, se mue en l’œuvre que Munday donne en 1597(?). Une dernière pièce, attribuée à Tarlton et dont il ne reste que des lambeaux, L’Intrigue des sept péchés capitaux, est constituée d’une alternance de tableaux – probablement muets, et conçus comme les rêves actualisés de Henry VI – et des commentaires de John Lydgate. Ce mélange intime entre personnages réels et tableaux allégoriques donnent du crédit à la pièce qui les contient.
Bob Godfrey
Limits of Illusion in the Theatres of John Rastell
« Voir c’est croire--vous croyez ? » est un défi ironique lancé à ceux qui spéculent sur la nature de la représentation théâtrale et sur sa réception par le public. L’article prend tout à fait en compte le paradoxe apparent selon lequel le spectateur voit plutôt ce en quoi il croit, qu’il ne croit en ce qu’il voit, et il soutient même l’idée que, au-delà du plaisir pris à l’artifice théâtral, il est possible d’amener le spectateur à voir dans la fiction représentée une forme authentique et qui fait sens de la réalité. L’article propose une analyse détaillée de la pièce la moins connue de John Rastell, De la nature des quatre éléments, pour en tirer la conclusion que selon toute évidence Rastell a ici adopté la formule de la moralité. Par la bouche des différentes « figures » qui se partagent les huit rôles, Rastell exprime nombre d’idées novatrices et administre, en prosélyte, quelques leçons. Mais il introduit aussi des éléments de divertissement sous forme de danses, de chants et de bouffonneries. En homme de théâtre, il a tenté de fondre ensemble ces éléments, mais l’analyse montre que son souci de restituer le réel est toujours plus puissant que ses efforts pour créer l’illusion. La comparaison de cette pièce avec les autres pièces publiées de Rastell montre clairement que cette tendance est une caractéristique constante chez lui.
Michael Hattaway
Over their Heads: Iago, Vices, and ‘Denotement’
Les représentations de l’Othello de Shakespeare en 2007 dans le nouveau théâtre du Globe à Londres ont permis de mettre en lumière certaines conventions du jeu des acteurs et leur réception par le public. Des escaliers aménagés de façon à relier la scène et le parterre étaient censés encourager des échanges entre comédiens et public. En réalité, les représentations ont montré que, dans une pièce où il est si important de croire ce que l’on voit, le public a plutôt éprouvé une sorte de « constat dénotatif » (voir Othello, II.iii.289), proche d’une simple lecture. Par ailleurs, la mise en scène et le jeu verbal des acteurs ont mis en évidence l’importance de la rhétorique qui suscite des formes spécifiques d’ironie dramatique.
Peter Happé
Deceptions: ’The Vice’ of the Interludes and Iago
Cet essai examine la fonction dramatique du Vice, type parfait du trompeur, dans le rapport qu’elle a avec l’affirmation « voir, c’est croire ». Il se fonde sur le développement donné à ce personnage dans différents interludes. Puis l’essai passe à la façon dont Shakespeare a repris dans Othello ce personnage très populaire, et à l’ampleur qu’il donne aux tromperies du Vice, tout particulièrement dans Iago. Il est indubitable que Shakespeare, tout à fait conscient que ses prédécesseurs utilisèrent fréquemment cette convention théâtrale, a délibérément exploité le ressort de la tromperie, tant dans ses drames comiques que dans ses tragédies.
Richard Hillman
Speaking of Miracles: Seeing, Believing — and Hearing
Lorsqu’on ajoute « vous croyez ? » à l’axiome proposé, en produisant ainsi un effet déstabilisant, la question complémentaire peut se poser de savoir jusqu’où ce qu’on croit dépend de ce qu’on entend. S’agissant du théâtre Tudor, la problématique englobe tout ce qui va de la tendance qu’avait l’époque à préférer « entendre » plutôt que « voir » une pièce, jusqu’à l’énorme série de problèmes liés à l’iconoclasme de la Réforme et l’opposition au théâtre. L’article suggère que, en contraste affiché avec ce que présume le théâtre médiéval, celui des Tudor fait passer le problème de la vertu persuasive du spectacle très exactement selon l’axe qui sépare voir et entendre. L’article considère divers aspects de ce phénomène dans des textes qui vont de l’œuvre du Maître de Wakefield jusqu’aux dernières pièces romanesques de Shakespeare, avec, au passage, quelques exemples tirés du théâtre français.
André Lascombes
Elements of a Persuasion Strategy in the English Cycles and Early Moral Plays
À travers l’examen des textes indiqués, l’article tente de retrouver quelques-unes des raisons techniques (essentiellement de structure et de dramaturgie) militant en faveur du principe débattu, que « voir c’est croire ». Il examine d’abord les conditions matérielles, toutes physiques, selon lesquelles le rapport jeu/réception se met en place dans les cycles et les pièces morales. Ce rapport semble favoriser l’éclosion d’une « illusio » fondée sur le trope communicationnel de la « diaphore théâtrale ». Cette modalité esthétique de la réception théâtrale encourage la double perception simultanée du jeu et de son signifié profond. Examiné ensuite est le rôle stratégique de personnages « testimoniaux » chargés d’une médiation de la leçon inscrite dans le drame. Émules de Thomas–le-dydime, ces personnages chargés de montrer l’inanité du doute encouragent le spectateur à adhérer au parcours de conviction. L’article fait valoir pour finir une vérité souvent oubliée dans le schéma psychique de la réception. Il le fait sous deux formes complémentaires : d’abord en rappelant les analyses de F. Fergusson relayées par M. Goldman. Ensuite en soulignant que celles-ci ont été plus récemment légitimées par certaines révélations de l’imagerie médicale : celle, par exemple, que le spectacle suscite, le temps de la réception, une adhésion neuronale en miroir. On peut donc penser que les promoteurs des « quycke bokes » qu’étaient ces pièces, subodorant cette capacité du cerveau humain, ont su l’accompagner par les techniques précédemment évoquées.
Catherine Lisak
Dramatic Assumption and the Fracture of Certainty in Shakespeare and Samuel Rowley’s When You See Me You Know Me (1605)
Cet article cherche à définir la position du spectateur face à ce qu’il voit se jouer sur scène dans le théâtre élisabéthain et jacobéen. Plus particulièrement, il s’intéresse à l’expérience du spectateur qui, au théâtre, se voit pressé d’adopter un point de vue ou une posture qui est tout à la fois de crédulité et d’incrédulité, attitude dite « dramatic assumption ». Cette expression décrit l’incertitude de la position qu’occupe le spectateur au théâtre, surtout quand il est tenu de définir sa place entre suppositions et hypothèses, présomptions et certitudes brisées, entre le sentiment d’être manipulé et celui d’exercer de façon responsable sa fonction de spectateur au théâtre.
John J. McGavin
Medieval theatricality and spectatorship
L’article se fonde sur l’argument que voir une pièce de théâtre est un acte tout à fait volontaire que préparent activement, dès avant, puis pendant le spectacle, des spectateurs parfaitement en accord avec leurs désirs. Bien que l’on puisse trouver paradoxal que l’esprit du spectateur expérimente en même temps un investissement émotionnel dans l’action théâtrale et une veille parfaitement critique, ce sont là les deux phases jumelles de la véritable activité spectatorielle qui sait s’adapter à des états allant de l’investissement au détachement.
Roberta Mullini
Playing the Monster: Changing Conventions in the Wit Plays
Les trois pièces qui mettent en scène le personnage de « Wit » (Wit and Science, The Marriage of Wit and Science, The Marriage of Wit and Wisdom) ont des liens intertextuels manifestes, dont la présence d’un « monstre » que chaque pièce traite différemment. L’article analyse le rôle que tient ce personnage dans chacun des trois interludes. Mais il s’intéresse aussi à la façon dont ce monstre est décrit par les autres personnages, pour tenter de lier ceci aux modifications de l’idée que la Renaissance se fait du monstre, et enfin de préciser comment cette monstruosité pouvait être représentée dans des conditions variant avec les circonstances de la mise en scène.
Yvonne Phoenix
“ … and that before mine eyes” (Cambises): The Furious Passion for Images, and Their Reception during the Tudor Period
L’article évoque la nature essentiellement visuelle de la scénographie proposée par le corpus Tudor. Profondément en accord avec la façon de vivre d’une population habituée à déchiffrer des signes visuels, c’est une pratique théâtrale qui s’ impose tout naturellement et qui tient bon même à travers un certain nombre de vicissitudes, y compris des vagues d’iconoclasme protestant. L’article tente d’explorer la relation entre voir et croire au XVIe siècle, d’abord dans son rapport à la religion, et ensuite pour ce qui concerne l’expérience théâtrale. S’appuyant sur des exemples tirés de certaines pièces, notamment Cambises, trois permutations de cette relation sont envisagées : voir et croire, voir et ne pas croire et croire sans voir. Au cœur de cette problématique se situe le spectateur : que croit-il lorsqu’il voit une pièce ? Jusqu’à quel point ? Et, surtout que lui reste-il de cette croyance une fois la pièce terminée ?
Armelle Sabatier
“No longer shall you gaze on’t, lest your fancy / May think anon it moves”: Seeing and Believing in the Moving Statue in The Winter’s Tale
On pourrait penser de prime abord que voir une statue s'animer et y croire relève de la pure folie, à moins qu'il ne s'agisse d'une simple illusion d'optique. C'est ce type d'illusion que Shakespeare met en scène à la fin de The Winter's Tale : le retour à la vie d'Hermione, symbolisé par sa statue qui s’anime, permet d’abord de jouer avec les sens des personnages et ceux des spectateurs. Mais l’épisode tente également d'éduquer, voire de ré-éduquer la faculté qu’ont des personnages tels que Léontes à voir et à croire. Tout en stimulant l'imagination du spectateur, la représentation de la statue animée incite celui-ci à percevoir ce que la raison humaine l’empêcherait de croire.
Greg Walker
Acting (and Feeling) Responsible: Lindsay’s Pauper and the Problems of Perception
Cet article, inspiré de la contribution du même auteur à la dernière Table Ronde (« Spoiling the Play? », Théta vol. 7), en développe les thèmes et les implications. Il prolonge l’analyse de ce que fait le personnage de Sir David Lindsay, Pauper, lors de son irruption extraordinaire sur la scène de la pièce Ane Satyre of the Thrie Estaitis, et cherche à comprendre l’effet qu’elle veut produire sue les spectateurs. Cet épisode–au cours duquel une personne du public semble s’introduire dans l’aire du jeu et défier l’acteur–paraît précisément fait pour affronter et défier nos sens, les forçant à reconsidérer le « réel » et le « représenté », et nous amener à affronter la question de savoir si nous croyons ce que nous voyons alors, et même, plus fondamentalement, ce qui se passe réellement lorsque Pauper déboule de son siège dans le public et fait irruption dans l’aire de jeu alors que les principaux acteurs ont quitté leur siège et que la représentation semble interrompue. L’article veut explorer en détail cet épisode et les possibles réactions du public, et pour finir, poser le problème plus général de la vraisemblance théâtrale dans les pièces du premier âge Tudor.
Grant Williams
Being Seen is Believing: Spectacle, Ethics, and the Others of Belief in Elizabethan Revenge Tragedy
L’article se propose de traiter de l’éthique de la vengeance en considérant le croire d’un point de vue intersubjectif. Croire est lié à ce que l’on voit. La tragédie élisabéthaine de la vengeance, avec son personnage du vengeur, cherche à rendre crédible sa violence en organisant le spectacle de la vengeance en un spectacle héraldique qui sollicite la reconnaissance du public. Ce que ce spectacle cache c’est le plaisir narcissique du vengeur qui va tuer le maître. La tragédie élisabéthaine de la vengeance dissimule à des degrés divers le narcissisme du vengeur tout en garantissant que l’on peut y croire, utilisant pour cela l’instrument suprême de la crédibilité qu’est le spectre témoin du massacre.