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The subject of this volume presents a particular historical interest in the English context, given the impact of the religious reforms (and counter-reforms) over the sixteenth century. On the one hand, the medieval biblical plays, miracles, and moralities disappeared (though in chronologically and geographically uneven fashion), while, despite sporadic upsurges of a theatre of Protestant propaganda, the dramatic representation of sacred personages and explicitly religious themes became progressively more difficult, to the point of near-impossibility. On the other hand, both before and after the development of the Elizabethan public theatre in the 1570s, playwrights found indirect and innovative means of dramatising spiritual issues and entities. With respect to dramatic works ranging from the Middle Ages to the seventeenth century, the authors of these thirteen essays seek to identify points of rupture and continuity in evolving dramaturgical practices, taking into account the pressures of political and religious orthodoxy, as well as questions of genre and context, the mentality of spectators, and staging techniques.
John J. McGavin
Staging the Peregrini
Cet article n’a pas pour but de débattre des questions de mise en scène du récit biblique intitulé Peregrini, mais bien plutôt des fonctions culturelles du théâtre biblique médiéval. Il défend l’idée que nous devrions adopter le récent changement d’attitude critique concernant l’étude du spectateur. Il implique un changement de regard et substitue à l’explication usuelle que le rôle premier d’une pièce est sa fonction didactique (disséminant dans la foule des spectateurs un noyau essentiel de croyances culturelles) le point de vue que ce sont les attentes, les goûts, les désirs et les peurs des auditoires qui, en remodelant ce noyau de croyances selon les attentes de l’auditoire escompté, renouvellent forcément cet ensemble idéologique.
Jean-Paul Débax
Mary — Fourth Person of the Deity?
Dans les pièces étudiées dans cet essai, plusieurs épisodes surnaturels reliés par une déduction logique sont utilisés pour illustrer et justifier des dogmes officiels concernant la Vierge Marie. La possibilité d’une rédemption de l’homme est décidée au cours d’une discussion entre les personnes divines (appelée Procès de Paradis). Dans le cycle de « N-Town » qui fournit la majorité des textes utilisés, le Procès de Paradis est le sujet de la pièce centrale du cycle de la Vierge, aboutissement de l’histoire des parents de Marie, de ses premières années passées au Temple, de son mariage avec Joseph, et d’autre part, l’introduction aux épisodes décisifs, la Visitation, la Nativité et la Purification. Dans ces différents épisodes, sont étudiés le jeu entre histoire et fiction, et la manière dont les schémas traditionnels et bibliques, appartenant à la vie du Christ, comme la stérilité, la naissance immaculée et la virginité, sont transposés sur la personne de Marie. Les actions dramatiques de Marie qui se limitent à un rôle d’intercession et non de décision, et font d’elle une sorte de « manager » de cette épreuve temporaire nommée Purgatoire, lui évitent donc de tomber dans une déviance hérétique.
Peter Happé
Supernatural Characters in Interludes
Le recours à des personnages issus du monde suraturel est chose commune dans les interludes anglais, et les cas les plus fréquents parmi les trente-deux cité dans cet essai concernent le Diable, suivi du Christ et de Dieu le Père. Ces personnages font pour l’essentiel partie de la structurre théologique de la pièce, mais leur valeur spectaculaire devait être de première importance, tout autant que celle qu’ils apportaient à la signification de la pièce, qu’elle soit politique, morale, ou en faveur de telle or telle secte religieux.
L’ essai souligne leurs traits spectaculaires, ainsi que les relations liant entre eux ces personnages abstraits et que les traits qu’ils partagent avec le personnage du Vice. Ces personnages servent aussi à ouvrir et fermer le récit, et ils pariticpent enfin au commentaire interprétatif. Les exemples choisis suggèrent qu’un nombre considérable de dramatruges a trouvé là une ressource populaire de grand prix.
Roberta Mullini
Representing God and Christ in John Bale’s Biblical Plays
Avant même que les guildes municipales tentent de faire réécrire le texte de leurs cycles traditionnels selon les prescriptions de la religion réformée, les pièces écrites par John Bale vers la fin des années 1530 manifestent l’influence de la nouvelle religion. Dans ces pièces, le legs majeur des pièces composant les cycles d’inspiration catholique est toujours évident, mais les personnages représentant la divinité y sont très différents de leurs homologues des cycles contemporains. Ceci n’apparaît pas seulement dans la teneur de leurs propos, mais aussi dans la structure des discours.
Le présent essai analyse l’attitude de Pater Coelestis et de Christ envers leurs interlocuteurs, respectivement dans God’s Promises et The Temptation of Our Lord. On a recours au principes de la pragmatique et de l’analyse conversationnelle pour juger de la théâtralité et de la restitution de ces moments du drame dans le jeu théâtral.
Sarah Carpenter
“Jupiter . . . appointed his majesty as judge”: Classical Gods and the Performance of Monarchy
Au moins dès le XIVe siècle, les divertissements curiaux font appel aux figures des divinités classiques pour évoquer et honorer le monarque et sa cour. Durant tout le XVIe siècle ces divinités sont incorporées dans diverses pièces de théâtre ou déguisements : parfois incarnations propres à représenter et célébrer le monarque, d’autres fois encore faites pour conseiller, ou pour suggérer de partager le pouvoir royal.
Le présent essai examine l’utilisation faite de telles représentations en rapport avec les monarques anglais du XVIe siècle, suggérant les façons dont elles pouvaient moduler les rapports du théâtre avec la monarchie.
Olena Lilova
Desacralization in John Heywood’s A Merry Play betwene the Pardoner and the Frere
Pièce écrite en forme de débat entre deux activistes religieux, The Pardoner and the Frere (1533), par John Heywood, est un exemple frappant du traitement badin et enjoué que cet auteur réserve à une problématique qui deviendra un peu plus tard sujet de débats enflammés entre différents groupes d’opinion, et de pression, et la cause de répressions et persécutions sauvages dans la société anglaise d’après la Réforme. Heywood met au jour dans sa pièce la vanité et les faux-semblants des activistes religieux, désacralisant leurs entreprises et les réduisant par là à de simples personnages de farce.
L’essai relève les moyens littéraires utilisés pour susciter le rire des spectateurs devant cette parodie du « sacré » dans le cadre même de la culture populaire médiévale.
Greg Walker
“Ye seem to have that ye have not”: Religious Belief and Doubt in John Heywood’s The Four PP
Cet essai étudie l’interlude de John Heywood The Four PP, écrit apparemment frivole et bon enfant, dans le contexte des controverses religieuses régnant à Londres dans les années 1527-1529. Il propose de voir cette pièce à la lumière des écrits d’Érasme ainsi que de la réponse faite par Thomas More au procès et à l’abjuration du jeune docteur Thomas Bilney dans The Dialogue Concerning Heresies (initialement publié en 1529). À travers la façon dont Heywood discute de la valeur des pélerinages et des pardons, dont il moque benoîtement fausses réliques et miracles, ce qu’il dit du mensonge et des menteurs, et enfin comment on distingue fraude et vérité en matière de la religion, l’essai veut montrer que c’étaient là des questions très spécifiquement posées parmi le cercle entourant Thomas More à cette époque.
Richard Hillman
Naturalising the Supernatural in a French Reformation Morality: Mankind Justified by Faith: Tragicomedy, by Henri de Barran (1554)
Le présent essai propose l’idée qu’une moralité française peu connue, Tragique comedie francoise de l’homme iustifié par Foy (1554), due à Henri de Barran, lié au courant de la Réforme, peut éclairer certaines tendances s’exprimant dans les interludes anglais contemporains, comme dans certaines pièces du théâtre élisabethain plus tardif. En particulier, on peut y voir qu’en l’absence d’un personnage allégorique représentant la conscience sur scène, la prise de conscience du péché et le repentir qui est associé deviennent des processus dûment internalisés.
Ainsi, à travers les ressemblances et contrastes qu’elle présente avec les pièces anglaises, on en vient à voir dans cette moralité française un intertexte significatif, ce qui n’a jusqu’ici jamais été signalé, portant sur l’évolution du théâtre anglais sous l’influence de la Réforme.
Jan Tasker
The Disappearing God: From Anthropomorphic to Internalised Relationships of Faith in the Earlier Elizabethan Drama
Au cours des années 1560-1570 le Dieu des chrétiens disparaît progressivement des pièces écrites pour la scène anglaise. On attribue généralement ce fait aux tendances iconoclastes plus sensibles à mesure que l’orthodoxie religieuse s’oppose davantage aux représentations anthropomorphiques de Dieu.
Toutefois, l’analyse détaillée de ces pièces suggère qu’elles reflètent toujours plus un lien entre Dieu et les hommes qui se fonde sur la foi. À partir des pièces ou fragments explicitement religieux datant des premières années 1560 et où les relations entre Dieu et les hommes sont rendues de façon purement externe, pour finir sur les débats, cette fois internes, que mène Philologus dans The Conflict of Conscience (Nathaniel Woodes), l’article traite de l’évolution des représentations de Dieu dans le drame des vingt premières années du « Compromis élisabéthain ».
Elisabeth Dutton
The Oxford Ghost Walk: Staging the Supernatural in Oxford University Drama
Le présent essai examine comment on représente le fantôme dans deux pièces du théâtre universitaire à Oxford, pièces liées en ce qu’elles portent toutes deux sur le personnage de Jules César. Caesar’s Revenge, d’habitude considérée comme une tragédie, représente le fantôme de César appelant à la vengeance. Fuimus troes est plutôt classée parmi les pièces historiques. Elle évoque deux guerriers : l’un britannique, l’autre romain, qui contemplent l’invasion par César de la Grande-Bretagne.
Cet essai traite de la raison d’être des deux fantômes, de la façon possible de les représenter ainsi que de l’effet qu’était susceptible de produire leur irruption dans le réfectoire du College pour hanter ainsi l’environnement habituel d’un tel public.
Pierre Kapitaniak
Sham Shadows on the Stuart Stage: Between Scepticism and Spectacle
Le règne d’Élisabeth a vu s’épanouir sur les scènes londoniennes la figure du spectre, partant de l’ombre chorale d’Andrea dans The Spanish Tragedy de Thomas Kyd pour atteindre son apogée avec les spectres très innovants de Shakespeare dans Hamlet et Macbeth. Au cours du règne de Jacques Stuart, les dramaturges ont introduit des variantes dérivées de cette figure : des personnages pris par d’autres pour des fantômes, et ceux se faisant passer pour des revenants. Le présent article se penche sur quatre pièces jacobéennes écrites et jouées entre 1607 et 1611, qui mettent en scène de telles supercheries de retour d’âmes trépassées parmi les vivants. On essaie de montrer comment ce nouveau motif éclaire l’évolution de la figure spectrale et ce que cette évolution nous dit des croyances des auteurs et du public aux phénomènes surnaturels durant cette période.
Pádraic Lamb
“O for a Muse of Fire”: Revenant-Authors, Pericles and The Golden Age
Le poète revenu sur terre est un topos littéraire de très longue tradition. Le présent essai analyse la fonction du topos, mettant en regard exemples littéraires et dramatiques. En poésie, le topos sert à faire de l’influence subie par le poète un don venu de la sphère divine, une inspiration susceptible d’effets sublimes. Le théâtre, lui, utilise de façon plus oblique la figure de l’auteur ainsi lié au milieu surnaturel : il promeut sa valeur spectaculaire par procédés de naturalisation et par métaphores.
Alice Equestri
Unnatural Naturals? Changelings and Issues of Intellectual Disability in Early Modern English Drama
Il se peut que les histoires circulant à la Renaissance d’enfants ordinaires remplacés par des « enfants de fées » aient été inventées par certains parents pour justifier la monstruosité de leur descendence, ou ses actes contre-nature. Pourtant, la difformité de l’enfant en cause n’était pas toujours de nature physique mais pouvait être intellectuelle, si bien que l’ « enfant de fées » pouvait être pris pour un idiot. Le présent essai étudie ces croisements entre « enfants de fées » et simples d’esprit (ou bouffons) dans plusieurs pièces de la première modernité : The Changeling de Thomas Middleton and William Rowley, The Rival Friends de Peter Hausted, The English Moor de Richard Broome et The Alchemist de Ben Jonson. Même si la relation entretenue pour ces idiots (ou bouffons) avec les fées semble d’abord les lier au surnaturel, leur indigence d’esprit les rapproche aussi de notions plus tangibles de l’incapacité intellectuelle, elles-mêmes fondées sur les lumières médicales et légales de l’époque.