Publication CESR. Tous droits réservés. Les utilisateurs peuvent télécharger et imprimer pour un usage strictement privé cette unité documentaire. Reproduction soumise à autorisation.
In the third of a series of Round Tables on Tudor Theatre dedicated to different aspects of folly, participants addressed the associations and (af)filiations of pertinent characters, or aspects of the motif itself, in works ranging from medieval morality plays to the comedies of Ben Jonson.
In certain fifteenth-century moralities, one finds, among allegorical figures of evil (devils, sins, vices, figures of temptation) groups of characters more or less hierarchised and suggestive of lineage or family. Later stagings of folly often likewise foreground groups and relationships. In the Tudor interludes, the Vice-function is frequently multiplied or seconded. In the later drama, folly may frankly advertise its different forms and expressions, while the relations among characters who exemplify it may become an instrument of signification in itself.
The contributions to this volume approach these issues from different angles and with reference to a wide range of plays. Collectively, they effectively sketch out a chronological typology of the phenomenon which sheds light not only on dramaturgical practices but also on larger questions of genre, culture and ideology.
Richard Hillman
“Old fools are babes again”: Shifting Perceptions of Folly and Childishness from Mankind to Jonson
Cet essai se veut un examen rapide de deux phénomènes liés : la représentation en termes familiaux de groupes de personnages associés au vice ou à la folie, et leur regroupement de manière à interpeller le spectateur, notamment en évoquant l’image satirique traditionnelle de deux bouffons (ou ânes) accompagnés de la devise « Nous trois ». Ces phénomènes sont tracés à partir des moralités et interludes moralisant jusqu’aux comédies de Ben Jonson, avec une attention particulière à des pièces de Shakespeare, y compris sa tragédie du Roi Lear.
Sarah Carpenter
Laughter and Sin: Vice Families in Tudor Interludes.
Outre la figure dominante du soi-disant « Vice », plusieurs interludes du théâtre Tudor présentent des groupes rapprochés de personnages vicieux qui revendiquent des liens familiaux. De tels groupes peuvent être compris en termes de la psychologie et de la théologie du péché, mais plus immédiatement ils se prêtent à des routines comiques vivaces et à des techniques visant à interagir avec les spectateurs. Les « vices » et « familles » vicieuses sont hautement révélateurs des pratiques de la scène comique, mais ils façonnent aussi les réponses des spectateurs aux aspects moraux des pièces. Cet essai se sert d’analogies avec les pratiques de comiques modernes « stand-up » pour explorer les implications complexes du rire produit par les « vices ».
John J. McGavin
Close Kin to a Clean Fool: Robert Armin’s Account of Jack Miller
Cet article aborde la diversité de fonctions littéraires présentes dans l’œuvre de Robert Armin, Foole upon Foole, puis se concentre sur les deux derniers récits concernant le « cleane foole [fou net] », Jack Miller d’Evesham. Dans ces anecdotes mythologisantes, très densément tissées, Armin passe au-delà des buts de divertissement et de l’instruction qu’on rencontre habituellement dans des discussions de la folie, pour explorer une relation plus profonde entre le fou naturel et les lois de la nature. La troisième histoire montre que ces lois peuvent être suspendues, de façon mystérieuse, afin d’assurer la sécurité du fou, ce qui limite le lien potentiel entre le fou et le reste de l’humanité. Toutefois, la quatrième histoire montre que d’autres forces physiologiques impliquent le fou dans une lutte primaire et viscérale avec ceux qui jouissent de lui, ou qui l’exploitent. C’est dans cette lutte fondamentale, plutôt que dans l’idée traditionnelle de la folie universelle, que le lien entre la folie et l’humanité en général se manifeste plus clairement.
Jean-Paul Débax
The Vice Is a Lonely Hunter
Le problème étudié dans cet essai est celui de l’utilisation de la métaphore génétique chère à l’apologétique du Moyen Âge tardif dans le traitement des actants (ou groupes d’acteurs) dysphoriques présents dans les pièces ou interludes du XVIe siècle anglais. Ce traitement est ici analysé dans deux pièces, Like Will to Like (c’est-à-dire « Qui se ressemble s’assemble ») d’Ulpian Fulwell (c. 1560), et Magnificence (John Skelton, c. 1530), illustrant les deux archétypes structuraux suivants : dans le premier cas, l’actant dysphorique incarné par (ou tendant vers) un seul acteur, que la tradition connaît sous le nom de « Vice » ; l’autre cas, dont l’organisation est plus diffuse, utilisant des types dramatiques déjà connus du théâtre renaissant (le fou de cour, le serviteur balourd, le valet fripon…), chacun incarnant un vice différent.
Dans l’un et l’autre cas, ces agents échafaudent une structure sociale et une intrigue instables, dont la pièce détaille les étapes de l’effondrement, révélant ainsi leur caractère « vicieux ». Le « Vice », dernier avatar chronologique de cet actant, reste souvent seul en scène à la fin de la pièce pour recevoir son châtiment.
Roberta Mullini
When Naming Is Performing: Folly’s Children in absentia in Mundus et Infans
Mundus et infans, un bref interlude publié par Wynkyn de Worde en 1522, présente la vie entière de l’homme, de sa naissance jusqu’à sa vieillesse. Il couvre la même gamme narrative que The Castle of Perseverance (« Le Château de persevérance »), mais avec seulement cinq personnages, dont Folly (La Folie) est le tentateur principal. Les « enfants » de La Folie, les sept péchés capitaux, ne figurent pas dans l’intrigue mais sont souvent mentionnés. L’essai analyse les techniques par lesquelles l’interlude rend ces figures de la tentation vivantes in absentia, à travers les paroles des autres personnages. La façon de les évoquer a pour effet de les animer sur scène de manière virtuelle. Ainsi, la famille de La Folie est-elle dépeinte dans son intégralité.
Peter Happé
Dramatic Aspects of the Vices in Lyndsay’s Satyre
Les trois « Vices » dans Ane Satire of the Thrie Estaits (« Une Satire des trois états »), par Sir David Lyndsay, sont abordés ici comme un groupe, bien qu’il s’agisse d’un groupe peu harmonieux. La dominance de « Flatterie » est en rapport avec l’attitude de l’auteur envers les abus courtois. Il s’agit de comparer les activités de cette famille de vices avec les conventions théâtrales connues dans des pièces anglaises contemporaines. Il s’avère qu’il y a une relation étroite entre le vice et la folie, par laquelle Lyndsay peut rendre sa satire plus mordante. À la fin de la pièce, il reste cependant un doute quant à l’efficacité des réformes envisagées.
Olena Lilova
The Vice-characters’ Conspiracy in the Interlude Respublica (1553)
Les relations entre les personnages vicieux – Insolence, Oppression et Adulation, tous gouvernés par Avarice – dans l’interlude Respublica (1553), attribué à Nicholas Udall, semblent être déterminées par leur vaine ambition d’usurper le pouvoir dans le pays et de s’approprier les richesses de Respublica. Diviser le principe maître du mal, à savoir la corruption des autorités, en quatre allégories individuelles représentant ses différents aspects permet une analyse du problème tel que le dramaturge le voyait. En outre, cette distribution de la fonction vicieuse multiplie les possibilités d’actions ludiques – par exemple, jeux avec de faux noms, pitreries, chants ou rixes.
Bob Godfrey
A Modest Suggestion That Ignorance Dances to the Tune of Folly
« Ignorance », en tant que personnage mis en scène par quelques dramaturges anglais du XVIe siècle, ne se laisse pas réduire à une seule définition. Il peut être le compagnon d’« Idleness [Oisiveté] » qui détourne l’Homme de son devoir de bien vivre moralement. Mais il peut être également un fou « naturel » qui n’est coupable de rien et qui sert plutôt à mesurer l’intégrité d’autrui. Alternativement, il peut s’agir d’un refus volontaire de voir la vérité, conformément à la perspective d’Érasme, notamment en ce qui concerne des superstitions religieuses et allant jusqu’à l’opposition aveugle à la Réforme protestante. Cet essai explore ces formes différentes du personnage dans quatre pièces, dont une de John Rastell, une de John Redford et deux de William Wager, afin de tisser des liens entre elles. Il propose que finalement Ignorance appartient à la famille élargie de la Folie, plutôt qu’à celle du diable.
Nadia T. van Pelt
“Counterfeiting his maister”: Shared Folly in The History of Jacob and Esau
La pièce calviniste Jacob and Esau se sert de la folie (« folly ») pour traiter de façon burlesque des moments doctrinalement incompatibles. Par ce biais la pièce soulève la question du rapport entre réalité et spectacle, c’est-à-dire si jouer quelque chose la rend réelle. D’un côté, l’approche du dramaturge impose de la distance sur les actions humaines, en suggérant, de manière calviniste, que ce sont seulement les actions de Dieu qui sont réelles, et non pas théâtrales. De l’autre côté, la doctrine de la prédestination est rendue plus accessible aux enfants et adolescents, grâce aux qualités et comportements enfantins des personnages.
Elisabeth Dutton and James McBain
Fart for Fart’s Sake: Fooling through the Body in Grobiana’s Nuptials
Cet article se penche sur Grobiana’s Nuptials (« Les Noces de Grobiana »), une pièce composée et représentée au collège de St John, Université d’Oxford, en 1637. Tout en adaptant des éléments grotesques et scatologiques de la tradition littéraire du « grobianisme », qui privilège la mise en scène de l’obscène, la pièce encouragerait la civilité et renforcerait la communauté collégiale de ses comédiens et spectateurs. Les auteurs de cet article montrent comment la pièce ouvre une perspective méta-théâtrale subtile et intelligente, en se focalisant sur les corps des acteurs, et comment elle emploie des connaissances du théâtre populaire, mais aussi académique, pour réaliser son fonctionnement et produire du sens.
Edward Paleit
The Folly of the Machiavel: Christopher Marlowe’s Mortimer and the Guise
Les réponses à Machiavel dans l’Angleterre du XVIe siècle tardif, dont plusieurs médiatisées par la France, étaient souvent tissées avec un discours de folie assorti de tropes dramatiques. Ce phénomène éclaire la représentation ambivalente par Christopher Marlowe des arts « machiavéliques » de la duplicité et de la violence tactique dans Edward II (1592 ?) et The Massacre at Paris (1592-1593 ?). Tandis que les deux pièces peuvent être lues selon une structure morale Tudor traditionnelle, dans laquelle des pratiques méchantes découlent de la frivolité ludique et sont finalement châtiées, on peut également défendre l’hypothèse selon laquelle elles endossent la célébration méprisante d’astutia visible dans certaines traductions manuscrites du Prince, où les régents honnêtes sont qualifiés de « poor fools [pauvres dupes] ».
Greg Walker
The Vice of the Interludes and the Mannerist Tradition: A Family Resemblance?
Cet article se penche sur le « Vice » Tudor, ses formes distinctes de la folie et ses descendants théâtraux, en proposant, non pas une redéfinition, mais simplement un nouveau point de vue sur sa façon d’agir sur scène. Le but est de revoir sa relation avec le public, sa volatilité émotionnelle et l’énergie de sa performance. En faisant appel au travail de J.-P. Maquerlot, l’auteur suggère des parallèles entre le théâtre et ces techniques de représentation dans les arts visuels au XVIe siècle qui sont placées sous le signe du « maniérisme ». Il considère comment la connaissance de ces techniques pourrait infléchir notre façon de concevoir le Vice, ainsi que quelques personnages shakespeariens qui le rappellent.